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2.2 Les supports de contenu

2.2.2 Mode numérique : Fichiers informatiques

 

Les fichiers informatiques soulèvent des problématiques de conservation concernant l’obsolescence, les droits de propriété des codes, les logiciels de lecture, la compression, l’interpolation et les métadonnées. Les responsables des collections doivent composer avec deux grandes catégories de fichiers informatiques : les fichiers de diffusion et les fichiers de travail issus d’un logiciel.

 

Les fichiers de diffusion

Les fichiers de diffusion sont considérés comme autonomes : ils ne dépendent pas d’un logiciel en particulier pour être lus et être compréhensibles. Ce sont presque toujours des fichiers audiovisuels. Ils sont issus de normes ou de standards normalisés (propriétaires ou non). Ils sont normalement universels, c’est-à-dire qu’ils peuvent être lus sur diverses plates-formes et par différents logiciels. En règle générale, lorsqu’un fichier de diffusion est créé, on ne peut plus le modifier puisqu’il est destiné à la publication et à la diffusion.

 

Voici quelques exemples de fichiers de diffusion : aiff (audio), mp3 (audio), jpeg (image), avi (vidéo), pdf (texte, image), gif (image), tiff (image), png (image), aac (audio), mpg (vidéo), mid (musique).

 

Les fichiers de travail

Les fichiers de travail proviennent d’un logiciel en particulier. Ils ne correspondent pas à des normes standardisées. En règle générale, ils sont dépendants de leur logiciel créateur et ne constituent pas des données compréhensibles sans leur logiciel créateur. Ils peuvent dans certains cas rassembler des données qui n’y sont pas forcément imbriquées. Ce sont des formats de projets qui ne sont pas destinés à la publication et à la diffusion, car on peut toujours y apporter des modifications. Dans la plupart des cas, ils sont propriétaires. C’est à partir du fichier de travail que l’artiste va créer des fichiers de diffusion; ainsi, un fichier psd (Photoshop) pourra générer, au choix, un fichier gif, tiff, jpeg, png, etc.

 

Voici quelques exemples de fichier de travail : doc (texte et image, Microsoft Word), psd (image, Adobe Photoshop), cpr (musique, Steinberg Cubase), band (musique, Apple Garageband), max (3D, 3DSMAX), ppj (montage vidéo, Adobe Première).

 

Généralement, les responsables des collections doivent gérer des fichiers définitifs de diffusion, mais il arrive parfois, comme dans le cas de l’œuvre Embryological House de Greg Lynn, que des fichiers de travail puissent faire partie du lot d’acquisitions. Un fichier de travail présente l’avantage de fournir une quantité très importante d’informations qu’un fichier de diffusion ne pourra jamais fournir. Par exemple, le fichier de travail peut nous informer des altérations subséquentes qu’un fichier a subies et par quel moyen, par quel outil, l’auteur est arrivé à un tel résultat. Imaginons un fichier psd (Photoshop) et un fichier jpeg représentant le même dessin d’un cercle rouge sur un fond bleu rectangulaire. Seul le fichier psd peut nous informer (par la présence de calques) qu’il s’agit en fait du résultat de la superposition de deux dessins, soit un cercle rouge sur un rectangle bleu. Le fichier de travail peut donc se révéler utile pour retracer l’historique du fichier; cependant, il s’expose davantage aux risques associés à l’obsolescence des formats et du matériel informatique en général. Pour être lu, le fichier de travail a nécessairement besoin de son logiciel créateur. Dans l’univers informatique, les logiciels sont associés à une plate-forme, lorsque cette dernière devient obsolète, le logiciel le devient également. Évidemment, lors de la migration de leurs logiciels vers une version supérieure, la plupart des éditeurs offrent une rétrocompatibilité avec la version antérieure de leur logiciel. Cela n’est cependant pas un gage de pérennité pour le format de travail, puisqu’il dépend du bon vouloir de la compagnie éditrice qui peut, à tout moment, abandonner le développement et le support de son produit.

 

Les fichiers de diffusion ont l’avantage de ne pas être reliés à une plate-forme en particulier; par exemple, le format de musique compressé mp3 a continué d’exister pendant les migrations successives des systèmes d’exploitation Windows, Mac OS ou Linux. Cependant, à moins d’être enrichis de métadonnées, les fichiers de diffusion ne sont pas aussi riches en données auxiliaires que les fichiers de travail.

 

Le procédé idéal de préservation pour les fichiers informatiques est d’acquérir les fichiers de diffusion ainsi que les fichiers de travail d’une œuvre. Ainsi, l’institution propriétaire peut procéder, en accord avec l’artiste qui possède le logiciel créateur, à la sauvegarde de plusieurs fichiers de diffusion, et ce, dans plusieurs formats différents. Le choix des formats de sauvegarde doit être fait en fonction de la popularité d’un format, c'est-à-dire qu’il faut choisir un format qui a une utilisation répandue et universelle, donc le moins vulnérable à l’obsolescence. L’acquisition d’un fichier de travail comporte un risque, puisque dans certains cas le fichier de travail opère d’autres fichiers essentiels qui ne sont pas forcément imbriqués avec lui, comme c’est souvent le cas avec les logiciels de montage vidéo ou sonore. Il est également recommandé de garder le fichier source et d’en faire une copie. Une bonne stratégie de conservation est la redondance des copies, c’est-à-dire qu’il faut stocker des copies du même document dans des endroits différents et sous des formats différents.

 

Le but premier de la préservation numérique est de ne pas se retrouver avec un format obsolète et illisible. Le cycle d’innovation technologique est difficile à prévoir. C’est pourquoi il serait prudent d’emprunter la pratique de migration des bandes vidéo tous les sept ans pour la migration des fichiers informatiques. Les évolutions majeures des systèmes d’exploitation se produisent en moyenne aux trois ans [1]. C’est pourquoi il est judicieux de raccourcir la période de migration des fichiers à cinq ans afin de couvrir moins de deux cycles d’évolution.

 

Un des ennuis de la migration d’un fichier obsolète vers un nouveau format offrant plus de stabilité est que le logiciel d’origine n’est pas forcément disponible lors de la migration. Cet inconvénient fait en sorte qu’il n’est plus possible d’évaluer le niveau de perte de fidélité par rapport au fichier d’origine. Dans certains cas, l’émulation logicielle d’un ancien matériel informatique peut permettre de faire fonctionner le logiciel obsolète sur une plate-forme moderne, permettant ainsi la capacité de lire le fichier dans son environnement d’origine.

 

 


[1] Les tableaux de chronologie de sortie des systèmes d’exploitation Windows et Mac nous informent que les sorties majeures se produisent en moyenne aux deux ou trois ans.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Microsoft_Windows