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2.3 Les équipements technologiques

2.3 Introduction

 

Dans les pratiques contemporaines de conservation et restauration, il est devenu primordial d’identifier et de développer des pratiques communes dans la préservation et la gestion des œuvres qui contiennent des équipements technologiques qui font partie intégrante du dispositif de l’œuvre. Ces pratiques visent à identifier les équipements qui sont plus sujets aux bris ou à l’obsolescence, et proposent des stratégies afin de contrer la fragilité des équipements, tout en tenant compte de l’ancrage historique de l’œuvre.

 

Pip Laurenson, chef de la restauration des œuvres d’art médiatique de la Tate à Londres, s’est penchée sur la question. Dans son article intitulé « The management of display equipment in time-based media installations », Laurenson propose une approche afin d’évaluer la signification des équipements et leur relation avec l’identité de l’œuvre à la lumière de critères conceptuels, esthétiques ou historiques et de leur fonction dans le dispositif de l’œuvre [1].

 

Ces critères d’évaluation doivent être considérés dans le contexte des pratiques de l’art contemporain. L’intégrité conceptuelle fait référence à la relation entre l’œuvre et son processus où la technologie utilisée participe du contexte dans lequel l’œuvre a été réalisée. L’intégrité esthétique fait référence à l’apparence générale des composants visibles et à la qualité de manifestation de l’œuvre (qualité du son, de l’image et de l’interactivité). L’intégrité historique quant à elle fait référence à la manière dont les composants visibles ainsi que les effets technologiques renvoient à la période à laquelle l’œuvre a été créée.

 

Il n’est pas toujours aisé d’établir avec précision la relation entre l’équipement utilisé et l’œuvre. Certains artistes articulent clairement leur choix d’un équipement donné, basé sur l’expérience de l’impact d’un équipement différent sur leur installation (les cas de Tlön et Nu•tka• par exemple). D’autres artistes sont moins précis quant aux raisons de leur choix d’un équipement donné et se contentent d’articuler des commentaires sur les spécificités de l’équipement original si ce dernier a été remplacé. D’autres artistes, enfin, ne sentent pas le besoin de s’attarder sur des aspects associés à la présentation de leur œuvre et de son impact sur le spectateur par peur que celle-ci ne soit perçue comme « théâtralisée [2] » .

 

Dans le même article, Laurenson montre l’écart possible entre la grille d’analyse de l’artiste et celle de l’établissement, et même l’écart entre le jugement de deux restaurateurs :

 

« In summary, the differing values of the museum and the artist, and the inevitability of a shift in authority over time, present a complex array of criteria by which to judge conservation decisions – criteria which are liable to be weighted differently by different stakeholders at different time [3]. » 

 

Enfin, elle propose des outils pratiques pour la gestion des équipements technologiques d’affichage (voir Tableau 1) et des stratégies qui peuvent être évaluées quand un élément a une signification particulière. Les stratégies de restauration possibles dans le cas des œuvres d’arts médiatiques qui contiennent des équipements technologiques sont l’entreposage, l’émulation et la migration.

 

Tableau 1 : Guide pratique pour la gestion des équipements technologiques d’affichage [4]

 

1 Attribuer un numéro de référence unique à chaque équipement d’affichage, associé à son numéro de série ainsi que les détails du modèle
2 Enregistrer son emplacement
3 Indiquer si l'élément est spécifique à une œuvre d’art et évaluer son importance.
4

S'assurer que les conditions de la garantie sont bien comprises et si possible respectées.

5

Faire une évaluation de la disponibilité des unités et des pièces de rechange.

6

Faire une évaluation de la fiabilité basée sur les données des fabricants et sur la base de son utilisation.

7

Acquérir au moins une unité de rechange.

8

Créer un dossier pour chaque pièce d'équipement afin de :

 

• Documenter les détails relatifs à l'achat de l'équipement.

• Garder les manuels d'exploitation et de mise en service.

• Préciser les détails du calendrier de maintenance.

• Donner des détails sur le coût et la source pour se procurer les pièces de rechange et celles de consommation (lampes, batteries)

• Tenir un journal de l’usage de l'équipement : pour quelle œuvre, quel contexte et quelle durée.

• Documenter l’historique de mise en service ainsi que les réparations successives et les sources de dysfonction.

 

 

Cas exemplaires :

Les différentes études de cas du comité conservation et restauration de l’Alliance de recherche DOCAM abordent des problématiques de conservation occasionnées par l’obsolescence des composants technologiques des œuvres étudiées. Les cas du tube cathodique et du projecteur de diapositives sont représentatifs des défis qui attendent de plus en plus les conservateurs et restaurateurs.

 

 


 

[1] Pip Laurenson, «The management of display equipment in time-based media installations», 2004, http://www.tate.org.uk/research/tateresearch/tatepapers/05spring/laurenson.htm.

[2] Ibid.

[3] Ibid.

[4] Ibid.