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Introduction au Timeline des technologies

 

Dès le début de l’initiative de recherche de DOCAM, la relation entre l’invention technologique et la création artistique nous a intéressés. Les artistes ne sont pas toujours les premiers à utiliser les nouveaux outils technologiques, mais ils montrent souvent la voie en révélant le potentiel insoupçonné de ces outils. L’histoire des médias technologiques compte des artistes de premier plan comme Nam June Paik, qui a exploré le potentiel artistique du nouveau Portapak vidéo de Sony tout de suite après sa sortie, en 1965. Cette même histoire compte aussi les compositeurs de musique des années 1950 qui ont tâté de l’enregistrement sur bande magnétique plusieurs années avant son arrivée à des fins industrielles ou commerciales. Si certains artistes sont vite à adopter les technologies des nouveaux médias, d’autres sont plus lents à les accepter et sceptiques devant les inventions lancées sur le marché. Les artistes peuvent être en avance sur la réception réservée par la société aux nouvelles technologies ou se tenir prudemment à l’écart de ces dernières.

 

L'historique technologique de DOCAM vise à illustrer de manière claire et imagée le parallélisme entre l’histoire de l'art et l’histoire de l’invention technologique. Ce n’est pas un historique exhaustif de toutes les technologies utilisées par des artistes pour produire ou exposer leurs œuvres. Il a plutôt été conçu pour montrer comment les œuvres d’art retenues comme études de cas par l’équipe de DOCAM s’inscrivent dans un historique plus large des technologies des nouveaux médias. Réalisées et présentées à des moments particuliers de l’histoire de la technologie, ces œuvres posent toutes un défi aux conservateurs qui travaillent à leur conservation ou aux commissaires qui souhaitent les exposer de nouveau.

 

L'historique technologique a pour but de contribuer à la réalisation des Principaux objectifs de l’Alliance de recherche DOCAM. S’appuyant sur la recherche multidisciplinaire, l'historique regroupe de multiples formes d’expertise dans un outil conçu pour favoriser le transfert des connaissances entre maints secteurs, du milieu universitaire à l’univers professionnel des artistes et du personnel de musée. En tant que ressource accessible au public, nous espérons qu’il sensibilisera les gens à la relation complexe entre l’histoire de la technologie et le développement des formes d’art faisant appel aux médias.

 

Il existe nombre d’historiques qui montrent l’histoire des technologies médiatiques, et d’autres qui tracent l’histoire de l’art. (Parmi les meilleurs figurent, selon nous, le Media History Project et le Timeline of 20th c. Art and New Media en ligne.) Le nôtre est un des rares à situer des œuvres d’art individuelles dans l’histoire technologique élargie où elles se situent. Tirant parti des travaux d’autres équipes de projet de DOCAM, et de la recherche menée par le comité de l'historique technologique, notre historique montre comment des œuvres d’art différentes ont été conçues, produites et exposées à des moments déterminants de l’histoire de la technologie. Nous montrons aussi comment des artistes ont adapté des œuvres individuelles avec le temps, afin de profiter des changements technologiques ou de résoudre les problèmes liés à l’obsolescence technologique.

 

L’histoire de l’art relate, du moins en partie, celle des outils et des matières avec lesquels l’art est réalisé. La vie d’une œuvre d’art est façonnée par ce qui arrive à ses matériaux, la mesure de leur dégradation, de leur obsolescence ou de l’arrêt de leur capacité à communiquer de façon satisfaisante. Les œuvres d’art faisant appel à de nouveaux médias, qui nécessitent souvent des assemblages technologiques élaborés pour leur exposition, sont particulièrement tributaires des matériaux qui les composent. L’exposition, 25 ans plus tard, d’une œuvre d’art de nature logicielle qui a été conçue en 1983 pose une foule de problèmes – moniteurs, processeurs et supports de données d’origine pouvant ne plus être accessibles sous une forme fiable. Les artistes et commissaires doivent décider s’il faut rechercher ces outils dans leur forme originelle, en concevoir de nouveaux pour reproduire la fonction ou adapter le contenu de l’œuvre aux technologies d’aujourd’hui.

 

Parallèlement, l’historique de DOCAM vise un auditoire plus large. Depuis le début, l’initiative de recherche de DOCAM a été interdisciplinaire en ce qui a trait à sa nature et son ampleur. Outre des conservateurs de musée, des archivistes, des professionnels de l’information et des spécialistes en technologies des médias, DOCAM a inclu des critiques et des historiens d’art, des commissaires et des experts en histoire des médias. Notre historique s’intéresse aux défis spécifiques que posent des œuvres d’art faisant appel à de nouveaux médias, mais il invite aussi à s’arrêter à la signification du changement technologique. Il montre, par exemple, que l’invention technologique entraîne rarement un changement révolutionnaire dans la réalisation d'œuvres d’art, mais inspire plutôt la réception favorable graduelle par les artistes des nouvelles technologies. Il révèle aussi que les nouvelles technologies médiatiques considérées comme des échecs sur le marché commercial (comme le Laserdisc) sont restées d’importants outils de création artistique pendant plusieurs années.

 

Notre historique vise à aider les professionnels en art et des musées dans leur travail, mais nous espérons qu’il serve aux professeurs et étudiants qui se penchent sur l’histoire de l’art et des médias. Ni l’art ni la technologie n’entraînent leur histoire respective de manière directe, mais chacun agit sur l’autre pour ouvrir certaines possibilités et en restreindre d’autres. Plutôt que de proposer une histoire classique et ininterrompue du progrès technologique, notre historique révèle les façons par lesquelles les artistes peuvent soit ralentir la disparition d’une technologie, soit développer rapidement son application potentielle. À cet égard, nous estimons que les artistes devraient avoir droit à une place importante dans l’histoire des technologies, aux côtés des protagonistes militaires et industriels à qui on accorde généralement les principaux rôles. De même, les commissaires et les conservateurs de musée, de plus en plus appelés à résoudre des questions d’invention et d’obsolescence technologique, sont devenus des figures clés du façonnement des utilisations sociales et des significations données aux technologies médiatiques. Même le musée d’art est une institution dont la propre histoire est inextricablement liée à celle de la technologie, et pas seulement à celle des formes et des styles artistiques.

 

Envisager ainsi les artistes, les commissaires, les conservateurs et les musées d’art postule que nous comprenions les histoires de la technologie et de l’art dans l’étroit rapport qui les lie. C’est dans cet esprit que l'historique technologique de DOCAM a été pensé.

 

Dr Will Straw, Président du Comité Historique des technologies