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Fiche de veille (Événement) :

Oeuvres vidéo de Christian Marclay au DHC/ART

Titre de l'événement
REPLAY de Christian Marclay
Date de début
2008-11-30
Date de fin
2009-03-29
Lieu de l'événement
Fondation DHC/ART pour l'art contemporain, Montréal, Québec, Canada
Type d'événement
Exposition
Mode de participation
Analyse
Thématique
6- Pratiques des musées et œuvres à composantes technologiques

Veilleur : Maude Desjardins-Crépeau

Christian Marclay est un artiste visuel, musicien et platiniste expérimental né en 1955 en Californie. Il a grandi en Suisse et demeure aujourd’hui à Londres et New York. Son travail consiste en des installations, des performances, collages, vidéos, etc. explorant la relation entre l’image, le son, les films et la photo. Il est l’un des pionniers de l’utilisation de la table tournante en tant qu’instrument de musique, une technique qu’il exerce dès le milieu des années 70 pour effectuer, entre autres, des collages sonores. Inspiré par le mouvement punk rock et le groupe Fluxus, il collabore au long de sa carrière avec divers artistes, dont John Zorn, Elliott Sharp, William Hooker et Sonic Youth. Bien qu’il demeure une figure méconnue du grand public, sa discographie est très large et son œuvre a été exposée à plusieurs reprises dans des événements et institutions prestigieux, notamment à la Biennale de Venise, au Centre Pompidou, au musée Guggenheim et à la Tate Galery.

Présentée pour la première fois à la Cité de la musique à Paris, l’exposition REPLAY à la Fondation DHC/ART pour l’art contemporain à Montréal du 30 novembre 2008 au 29 mars 2009 constitue une première nord américaine. Elle consiste en neuf installations et vidéos qui explorent la relation entre l’immatérialité du son et la tangibilité de l’objet. Plusieurs d’entre elles sont formées de fragments de films qui, recollés au montage, représentent des œuvres sonores et visuelles originales.

Le parcours de l’exposition suggéré par l’artiste débute avec la pièce Telephones (1995) un de ses collages où les protagonistes effectuent tous la même action, soit répondre ou parler au téléphone. Chaque extrait, souvent issu de films hollywoodiens connus, met en scène des émotions diverses reliées à la même action. L’œuvre Fast Music (1982) est issue de l’influence de l’esthétique du punk sur Marclay et consiste en un vidéogramme de 21 secondes représentant le simulacre d’une performance de l’artiste mangeant un disque en vinyle. Dans Mixed Review (1999-2000), un acteur sourd traduit des critiques musicales et descriptions sonores en langage des signes américain. Le résultat s’apparente à une symphonie de gestes ou une chorégraphie silencieuse. Le quatrième étage de l’exposition est entièrement consacré à un studio d’écoute diffusant plusieurs expérimentations musicales de Christian Marclay constituant en quelque sorte son « art invisible ». Avec Gestures (1989), quatre moniteurs disposés en carré émettent simultanément des mouvements allant à l’encontre de ceux normalement effectués sur des tables tournantes. Notamment, la main de Christian Marclay «scratche» ou raye les disques parfois faits main et les sons qui en émanent sont littéralement transformés en composition musicale. Le vidéogramme Record Players (1984) montre des gens détruisant des disques en vinyle, ce qui va à l’encontre de l’habituel soin prodigué à cet objet fragile constituant le principal support d’enregistrement de cette époque. Guitar Drag (2000) constitue l’une des œuvres les plus troublantes de l’exposition, car elle évoque le lynchage d’un Afro-américain au Texas mis à mort après avoir été tiré par un camion sur des kilomètres. La bande vidéo montre une guitare subissant le même traitement et l’assourdissante trame sonore reflète la violence de cet événement. À la fois une parodie des vedettes du rock et un hommage à Jimmy Hendrix, le vidéogramme Ghost (I don’t live today) de 1985 montre l’artiste dans une performance de Phonoguitar, soit un instrument hybride conçu par lui et qui consiste en un tourne-disque porté en bandoulière.

Les deux dernières œuvres de REPLAY constituent sans doute les meilleures manifestations du savoir-faire et de la démarche artistique de Christian Marclay ainsi que celles qui se distinguent le plus au plan muséographique. Impossible de rester indifférent à Crossfire (2007), qui consiste en quatre projections synchronisées sur chacun des murs de la pièce. Elles représentent toutes de courts extraits de films où les acteurs manipulent, chargent, tirent diverses armes à feu. Ici, le visiteur est littéralement dans la mire des fusils braqués sur lui via les écrans géants qui l’entourent. L’agencement des coups de feu qui varient en intensité et en fréquence forme une bande sonore où la percussion prime. Un autre type de muséographie ne permettrait pas une telle interaction entre l’œuvre et le spectateur et la proximité ainsi que la grandeur des écrans ne laisse aucune chance d’épargner la sensibilité du visiteur. Pour sa part, Video Quartet (2002) est une sélection de divers extraits de films hollywoodiens en une série de collages diffusés simultanément sur un même mur totalisant une longueur de douze mètres sur lequel se succèdent ou se multiplient les images. Leur trame sonore est conservée, mais le résultat final prend la forme d’une pièce musicale originale où les archives cinématographiques se rapportant à notre mémoire collective sont savamment orchestrées par l’artiste dans une chorégraphie sonore et visuelle.

REPLAY représente un événement qui intéresse le groupe de recherche DOCAM en ce sens que les pratiques muséologiques utilisées par DHC/ART pour exposer les œuvres de Christian Marclay sont d’une simplicité extrême, mais tout à fait adaptées à leur mise en valeur. À l’exception de l’étage consacré au studio d’écoute, toutes les pièces sont peintes en noir et la visite s’effectue le plus souvent dans l’obscurité presque totale. Parfois, les endroits où l’on peut s’asseoir pour regarder les vidéos sont même difficiles à distinguer. Aucune trace non plus des installations techniques qui permettent la présentation des vidéos. Cette muséographie a pour conséquence de laisser le visiteur dans un face à face avec les œuvres qui accaparent la totalité de l’attention et de la concentration : leur impact est multiplié. Les petits cartels descriptifs illuminés sont les seuls autres éléments que l’œil peut capter. De plus, chaque espace ne contient pas plus de deux œuvres disposées de manière à éviter que les aspects sonores ne s’entremêlent et de façon à ce que le parcours ne permette pas d’anticiper la suite. Ce style épuré couplé aux bandes sonores souvent assourdissantes fait en sorte que le visiteur se sent en interaction avec les projections. Le résultat est une immersion complète dans l’ambiance que l’artiste a créée. La composante technologique de l’œuvre de Christian Marclay ne sert qu’à illustrer son propos artistique et DHC/ART a su en rendre compte par la muséographie choisie, une perspective dont les chercheurs de DOCAM pourront bénéficier pour l’exposition d’œuvres d’art à caractère médiatique.

Liens :

REPLAY en exposition à la Cité de la musique, Paris
[En ligne] (consulté le 9 février 2009)

Site web de la Fondation DHC/ART pour l’art contemporain
[En ligne] (consulté le 9 février 2009)


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